À Pékin, lors des derniers Jeux olympiques, les marathoniens nous ont donné une leçon de savoir-vivre. Samuel Wanjiru, 21 ans, le Kenyan qui a décroché l’or, a fait plus encore que décrocher la timbale ou battre un record avec ses 2 heures 6 minutes et 32 secondes. Il a aussi fait tomber un mythe. Celui qui veut que le meilleur âge pour exploser sur un marathon se situe à la fin de la vingtaine, début de la trentaine. Ce mythe a pris aussi un sacré coup quand Constantina Tomescu-Dita a passé, en tête, la ligne d’arrivée du marathon femme. Cette Roumaine, par ailleurs maman et affichant 38 printemps, avait déjà 10 marathons à son actif, mais toujours l’énergie d’une jeunette.
Du point de vue d’un spectateur, en bord de piste, ces athlètes qui participent au marathon olympien ne ressemblent à rien d’autre qu’à une belle représentation de la population active. Des plus jeunes aux moins jeunes, en passant par une bonne proportion de coureurs et de coureuses dans la tranche d’âge moyenne. Dans le peloton de tête, chez les jeunes, deux Américains de 25 ans (Dathan Ritzenhein et Ryan Hall), qui ont respectivement fini 9e et 10e, et Kum-Ok-Kim, une Coréenne qui, du haut de ses 19 ans, s’en tire avec une très honorable 12e place chez les femmes. De l’autre côté, chez les « anciens », la concurrence est rude également. Paula Radcliffe (34 ans), la recordwoman du monde et Haile Gebreselassie (35 ans) continuent de faire trembler les marathoniennes et de réaliser de surprenantes performances, y compris en dehors des Olympiades.
De tels résultats, de la part d’athlètes plus jeunes que la moyenne, comme Samuel Wanjiru, ou, au contraire plus vieux, comme Constantina Tomescu-Dita, tendraient-ils à faire penser que le marathon n’est pas une distance sur laquelle l’âge à une incidence importante ? Ces victoires et ces records sont-ils de simples exceptions à la règle, pour mieux la confirmer ? En clair, y a-t-il un âge idéal pour le marathon ou, au contraire, le nombre de bougies soufflées importe tellement peu qu’il n’y a pas d’âge pour la performance ? Vaste question à laquelle nous avons tenté d’apporter un éclairage, soutenus par des experts internationaux et notamment Américains.
Finissons-en rapidement avec les questions qui fâchent. Première constatation – et pas des moindres – et première mauvaise nouvelle : que l’on soit athlète de haut niveau ou coureur du dimanche, les capacités aérobies diminuent inévitablement avec l’âge. Y compris chez un coureur au long cours. « Le problème n’est pas tant le volume sanguin ou la circulation de l’oxygène dans le sang (même si la VO2 max passe de 44 à 50 ml par minute et par kilo de poids à 20 ans, à 33 ml/min/kg à 70 ans, NDLR) qui décline avec l’âge, explique Sandra Hunter, médecin du sport et chercheur à l’université Marquette dans le Milwaukee, aux États-Unis. Le principal obstacle, c’est que les pulsations cardiaques ralentissent au cours de la vie. Et, à cela, on ne peut rien y changer. » Encore aujourd’hui, on ne sait clairement expliquer la raison de ce phénomène physiologique, mais cela permet de comprendre que, clairement, une personne de 50 ans sera toujours en peine, sur le plan cardio-vasculaire, face à une personne de 20 ans. Si la formule classique de calcul de la fréquence cardiaque (220 moins l’âge) ne peut donner qu’une approche partielle de cet état, « la réalité, continue Sandra Hunter, c’est que l’on perd une pulsation chaque année ». Un handicap indéniable sur la ligne de départ.
Mais ce n’est pas tout. La masse musculaire aussi – la traîtresse ! – accuse le coup. Baisse du nombre ou de la taille des fibres musculaires, c’est selon les études menées et les auteurs, mais, en tous les cas, baisse globale de la masse musculaire. Bien sûr, l’entraînement régulier maintient cette même masse musculaire. « Pour les fibres rapides, cette adaptation , se traduit par un gain de chaque contraction en vitesse et en force. L’adaptation des fibres lentes permet d’améliorer les capacités d’endurance » expliquent les docteurs Pérès et Barrault, médecins du sport dans leur Guide Sport et Santé (Vidal). Reste que, à 60 ans, l’atrophie musculaire est inévitable. Et si la vitesse est touchée avant la résistance, il n’en reste pas moins vrai que l’ensemble de la pratique sportive ne peut qu’être affecté par l’âge. « En théorie, ajoutent encore les docteurs Pérès et Barrault, la force maximale d’un individu est atteinte entre 20 et 30 ans. À 50 ans, elle a baissé de 10 à 20 %. Au-delà de cet âge, elle décroît encore plus rapidement. Un homme jeune a en moyenne 36 kg de muscles. Il n’en a plus que 23 kg à 70 ans. »