Si il est un sport où les femmes rivalisent avec les hommes, c’est bien la course à pied et plus particulièrement au fur et à mesure que les distances s’allongent.
Qu’est-ce qui explique ce phénomène ?
- Endurance naturelle chez le sexe dit faible ?
- Capacité à endurer la souffrance en raison de son ancestral héritage maternel ?
- Aptitude à gérer les évènements parce qu’ à un vie de femme moderne le nécessite ?
Essayons d’y voir clair , objectivement…
Un peu d’histoire…
1967. Nous sommes au marathon de Boston. Kathy Switzer, déguisée en homme pour pouvoir courir, est obligée d’avoir recours à des gardes du corps improvisés, issus du peloton, pour la protéger des juges qui veulent l’exclure manu militari et l’empêcher de terminer la course. Les femmes n’ont pas le droit de courir un marathon.
Il faut dire que Pierre de Coubertin, lui-même, restaurateur des Jeux Olympiques prétendait qu’une « Olympiade femelle est impensable, impraticable, inesthétique et incorrecte ».
Lorsqu’aux Jeux de 1928 à Amsterdam, les concurrentes du 800 m s'effondrèrent sur la piste sitôt la ligne d'arrivée franchie, la presse fut prompte à critiquer ce spectacle. De l'avis unanime, les femmes ne pouvaient participer sans risque aux épreuves de fond et de demi-fond.
Cette infériorité supposée de la femme tient essentiellement dans des siècles de culture d’une civilisation où elle fut cantonnée à enfanter et à élever ses enfants, quand l’homme chassait, travaillait et guerroyait en faisant preuve de sa force. Cette supériorité musculaire fut longtemps associée à une supériorité dans tous les domaines. On a donc, sur la base de pseudo-arguments physiologiques, fondé l'idée erronée elle aussi que l'endurance de la femme était inférieure à celle de l'homme et ne lui permettait pas de réaliser sans danger pour sa santé, des efforts prolongés.
Il aura fallu attendre encore 56 ans et les Jeux Olympiques de 1984 pour que le marathon féminin devienne une épreuve olympique.
Aujourd’hui, dans certaines épreuves d’ultra endurance, des femmes remportent des courses. Seraient-elles devenues supérieures à l’homme dans ce domaine ?
Quelles différences physiologiques ?
Les différences physiologiques entre hommes et femmes touchent en priorité les caractéristiques anatomiques et les processus métaboliques. Sous l’influence des hormones sexuelles (progestérone, œstrogène et testostérone) il y a une multitude d’effets à tous les niveaux qui influencent la performance athlétique :
- métabolique,
- cardiovasculaire,
- respiratoire,
- thermorégulatrice.
La différence de masse grasse entre hommes et femmes adultes (proportionnellement plus élevée pour le sexe féminin) et du taux sanguin en hémoglobine plus faible chez la femme pénalise celle-ci dans les exercices aérobies.
La différence de masse musculaire supérieure chez l’homme grâce aux effets de la testostérone explique l'inégalité du potentiel féminin par rapport au sexe dit fort.
En outre, le corps féminin se prête nettement moins bien aux courses de fond : en moyenne jambes plus courtes, bassin plus large, cœur et poumons plus petits.
En conclusion, au niveau physiologique, il semblerait que la femme soit manifestement inférieure à l’homme. Ce n’est pas sur ce plan que nous trouverons une réponse à notre problématique.
En analysant les facteurs de la performance peut-être trouverons-nous des éléments ?
Quelle différence dans les facteurs de la performance ?
Rappelons qu’ils sont au nombre de trois :
- La puissance aérobie (la VO2max qui est l’aptitude à la consommation maximale d’oxygène)
- L’endurance aérobie (la capacité à utiliser la plus grande fraction de cette VO2max)
- Le coût énergétique de la foulée
Ces trois facteurs se traduisent dans l’entraînement respectivement par :
- La VMA
- L’EMA
- La Vitesse Spécifique
(Je vous invite pour plus de précisions et de détail à lire ou a relire l’excellent ouvrage de votre serviteur « Courir longtemps » qui décrypte en détail ce sujet).
Ainsi, qu’on soit un homme ou une femme, pour améliorer ses performances, on doit augmenter sa consommation maximale d’oxygène, élever sa capacité à courir à la vitesse de son objectif et diminuer son coût énergétique.
La consommation d’oxygène
Chez la femme, le sang transporte moins d'oxygène et il semble bien que c'est par cette différence de consommation d'oxygène que l'on peut expliquer les résultats moindres des performances féminines : les scores obtenus par les meilleures performers en course de fond sont en effet inférieurs de plus de 10%.
A entraînement égal, les hommes possèdent généralement une consommation maximale d’oxygène supérieure à celle des femmes. Le désavantage des femmes est évident, en plat comme en montée. Trois facteurs l’expliquent :
- Les femmes possèdent une masse grasse supérieure : le VO2max rapportée au poids corporel est donc plus faible.
- La masse musculaire des femmes est inférieure à celle des hommes : le potentiel oxydatif des muscles (mitochondries, enzymes, capillaires…) est plus faible chez les femmes.
- Les femmes ont une capacité de transport de l’oxygène plus basse que celle des hommes. Leur concentration sanguine en hémoglobine est plus basse
Net avantage aux hommes sur ce plan.
L’utilisation de la plus grande fraction de VO2max
Aucune différence n’existe entre les hommes et les femmes : elles possèdent des valeurs d’endurance aérobie identiques à celles des hommes. La zone critique qui caractérise le moment où on ne peut plus soutenir longtemps une certaine vitesse apparaît en effet aux mêmes intensités : entre 80 et 85% de VO2max (en fonction de l’Indice d’Endurance).
Il semblerait cependant qu’elles soient un peu meilleures. Les femmes possèderaient une plus forte capacité à oxyder les lipides. Cette meilleure utilisation des substrats énergétiques s’explique car les hommes ont une plus grande capacité glycolytique pour des efforts aux environs de 70% de VO2max). Ils consomment plus de glycogène que de graisses et leurs réserves s’épuisent plus rapidement. Le métabolisme féminin, en disposant d’une quantité inférieure d’enzymes glycolytiques (éléments nécessaires à la dégradation du glucose) privilégiera l’oxydation des graisses, source inépuisable d’énergie
Petit avantage aux femmes dans ce domaine
Le Coût énergétique de la foulée
Le coût énergétique représente la quantité d’énergie dépensée par unité de distance parcourue. Il dépend de nombreux facteurs : certains sont qualifiés d’externe, d’autres, de mécaniques. Parmi les facteurs mécaniques, celui que l’entraînement développe c’est l’adaptation de la foulée aux contraintes de l’épreuve préparée. En clair, on est plus efficace (et donc plus économique) aux allures que l’on pratique habituellement. D’où cette importance de la vitesse spécifique à l’entraînement. Mais les différences d’adaptation entre hommes et femmes à ce niveau sont inexistantes. Ce n’est donc pas un point qui crée des différences entre les deux sexes
Parmi les facteurs externes, le travail consacré à vaincre la force due à la gravité (le poids étant le principal). Rares sont les hommes qui pèsent moins de 60kg, même parmi l’élite, alors que les femmes descendent allègrement et très souvent sous les 50kg. Les coureuses dépensent donc moins d’énergie pour parcourir une distance donnée.
Avantage aux femmes sur ce point.
En conclusion, sur le plan des facteurs de la performance, les femmes ont un avantage. De là à dire qu’il comble les infériorités relevées sur le plan physiologiques, il y a un fossé que les résultats en compétition ne nous permettent pas de franchir.
La version de la supériorité féminine
Pourtant, par un effet pendulaire qui n’a rien d’étonnant, on trouve même maintenant des personnes qui prétendent que l'endurance de la femme est supérieure à celle de l'homme. Ils s’appuient sur des arguments que nous allons essayer d’analyser
La femme a plus de réserves de graisses
Ce nouvel avatar « scientiste » est fondé sur une vérité incomplète : le pourcentage de graisse est en moyenne légèrement supérieur dans le corps de la femme (vestige des temps les plus reculés où elle devait faire face à la nécessité de nourrir ses enfants). Elle possède ainsi de plus grandes réserves de lipides, ce carburant de l'effort prolongé. Elle pourrait donc tomber moins souvent « en panne d'essence » et pourrait soutenir plus longtemps que l'homme une grande dépense d'énergie.
Or, on sait que les réserves graisses ne constituent pas un facteur déterminant d'endurance : nous en avons plus que nécessaire. Même le plus maigre des coureurs en a suffisamment en stock pour assurer ses besoins lors d’un marathon et même d’un 100km ou d’un 24h !
Et puis si les réserves adipeuses étaient synonymes d'endurance cela se verrait sur la silhouette des athlètes de haut niveau.
En conclusion : le pourcentage de graisses dans le corps supérieur chez la femme n’est pas un argument valable pour expliquer la réussite dans les épreuves de longues distances.
La femme a plus de facilité à utiliser ses graisses
Un autre argument consiste à dire que l’aptitude à utiliser ces graisses serait plus grande chez la femme. Se pourrait-il alors que les femmes aient plus de facilités à piocher dans leur réserve de graisse ? Si tel était le cas, cet avantage leur permettrait effectivement d'économiser leur stock de glycogène et pourrait expliquer que leur endurance soit meilleure. Ce qui est effectivement important n’est pas d’avoir des stocks adipeux mais d’être capable de les utiliser pour privilégier la filière métabolique des lipides (lipolyse) afin de préserver les stocks de « supercarburant » : le glycogène. Malheureusement, pour les défenseurs de cette hypothèse, les dernières recherches scientifiques ont démontré sans ambiguïté que les femmes utilisent la même proportion de graisse que les hommes : ni plus, ni moins.
En conclusion : la capacité à utiliser les graisses n’est pas supérieure chez la femme. Un autre argument qui n’est pas valable pour expliquer la réussite dans les épreuves de longues distances.
- Comment expliquer alors que si, du strict point de vue physiologique et à entraînement égal, les femmes sont désavantagées par rapport aux hommes en course de fond, les résultats de marathons, de trails et autres épreuves pédestres attestent que les femmes sont parfois classées devant les messieurs ?
- Des réponses sont à chercher dans le mental et l’efficacité de la préparation grâce à une application et une implication typiquement féminine.
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- La véritable supériorité des femmes
Un mental et une volonté supérieurs
La femme, en raison de sa place dans la société, supporte avec plus de courage et peut-être plus de résignation les difficultés les plus graves de la vie. Elle est alors capable de plus d'endurance. Elle a une motivation centrée sur elle même et les progrès qu’elle accompli. Ce qui la rend particulièrement sérieuse et persévérante dans la réalisation de son plan d’entraînement ainsi que le jour J.
Je suis bien placé pour le savoir moi qui en 2009 au championnat du monde de 24 heures ait fini premier homme de la sélection masculine française mais 3ème athlète bleu-blanc-rouge derrière deux féminines mieux classées au général. Elles avaient pourtant des performances inférieures à moi dans toutes les autres épreuves de course et un volume d’entraînement moindre.Ce jour là, leur supériorité est venue certainement d’une meilleure gestion de la course et d’une volonté hors norme associée à un courage bien au dessus de la moyenne. Mais il serait réducteur de penser que leurs seuls atouts résident dans ces qualités.
Une raison physiologique
Une explication physiologique explique les bonnes performances féminines dans les ultra-trails (Mont-Blanc, île de la Réunion) et longues distances (Badwater, 24h) où il arrive que, confrontés aux hommes , elles jouent parfois le podium. Etant plus légères et moins exposées aux dommages musculaires induits par la course en dénivelé, cela permet aux femmes d’être aussi rapides que les hommes en ultra-trail, dans les épreuves où cet aspect constitue un facteur limitant important.
En effet, il n’est pas rare que les meilleures athlètes féminines viennent bousculer la hiérarchie masculine en course de montagne, mais aussi sur le plat. Un paramètre l’explique : le rapport poids/puissance.
Les excellentes performances (supérieures à celles de beaucoup d’hommes) de certaines athlètes féminines en course en montagne (vitesse moyenne de course) sont le fruit d’un rapport poids/puissance favorable, qui s’explique par un poids corporel inférieur.
Conclusion : Loin du marathon de Boston (il y a moins de 50 ans pourtant) les femmes montrent aujourd’hui qu’elles peuvent rivaliser avec les hommes. Peu importe qu’elles soient inférieures ou supérieures, et sur quel plan (j’espère que cet article a levé le voile sur certains points). Peu importe aussi d’ailleurs qu’elles battent les records masculins d’il y a 50 ans. Quelle curieuse idée d’ailleurs de comparer Paula Radcliffe à Mimoun ou Zatopek. Ce qui importe c’est qu’on leur laisse, avec leurs qualités physiques propres, toutes les possibilités de s’exprimer en totale liberté avec tous les droits attribués aux hommes. Et que le terrain livre son résultat.
Source Brunoheubi.com